Indica, Sativa, Ruderalis
Catégories : Lexique
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Les origines et les dérives de cette classification

Cet article a été rédigé suite à la lecture et l’agrégation d’articles scientifiques, les informations qui s’y trouvent ne sont pas figées dans le temps et ne doivent pas être votre seule source d’informations.

Indica et Sativa ont eu différents sens en fonction de l’époque et de la personne qui les emplois. Il est souvent nécessaire de rappeler ou de réactualiser le vocabulaire employé lorsque celui-ci perd son sens originel. La taxonomie du cannabis est un sujet plutôt controversé, mais quoi qu’il en soit l’intérêt de la précision du langage est crucial pour démystifier et donc faire avancer le cannabis dans notre société. De nos jours il semble juste de se demander si les mots Indica et Sativa ne font plus qu’entretenir un flou et un système économique.

I] Origines historique et geographique

CANNABIS SATIVA

Nous devons ce nom scientifique à Carl Linnaeus. En latin le terme SATIVA désigne l’adjectif “cultivé”. En 1753, le nom cannabis sativa faisait référence au cannabis habituellement cultivé en Europe pour ses graines et ses fibres.

CANNABIS INDICA

Nous devons ce nom scientifique à Jean Baptiste Lamarck. En latin le terme INDICA désigne l’Inde. En 1785, le nom cannabis indica faisait référence au cannabis provenant des régions de l’Inde.

CANNABIS RUDERALIS

Nous devons ce nom scientifique à Dmitrij E. Janischewsky. En latin le terme RUDERALIS désigne un adjectif relatif aux “décombres”, aux “ruines”. En 1924, le nom cannabis ruderalis faisait référence au cannabis sauvage d’origine Russe/Eurasienne très résistant capable de pousser presque partout.

II] les différences observables

Les différences observables sont liées au code génétique (génotype) ainsi que la zone géographique et l’interaction avec les facteurs environnementaux qui en découlent. Ces différences observables font référence au phénotype.

Voici comment par exemple expliquer :

Les différences de largeur des feuilles montrent une variation de l’exposition et de l’intensité du soleil. Par exemple : les plants originaires des régions où l’activité du soleil est très intense auront tendance à avoir des feuilles très fines pour s’en protéger.

Les différences de compacité des sommités montrent une variation de l’humidité. Par exemple : les plants originaires des régions très humides auront tendance à avoir des sommités plus légères et aérées pour s’en protéger.

Le cycle de vie des plants dépend de la photopériode de la région. Par exemple : les plants originaires des régions bénéficiant de longues périodes d’ensoleillement auront tendances à atteindre la maturité de récolte plus tardivement.

 

Picto sublinguale

LE CANNABIS SATIVA

Plant généralement de grande taille ayant une forme élancée et aérée disposant de feuilles étroites. Sommités plutôt légères et aérées. Cycle de vie relativement long.

LE CANNABIS INDICA

Plant généralement de taille moyenne prenant souvent la forme d’un buisson et disposant de feuilles larges. Sommités plutôt compactes et denses. Son cycle de vie est moyennement long.

LE CANNABIS RUDERALIS

Plant très petit et plutôt compact dont les feuilles disposent d’un nombre de doigts inférieur aux Indica/Sativa. Son cycle de vie est rapide puisque la floraison ne dépend généralement pas de la photopériodicité.

II] les LIMITES DE CETTE CLASSIFICATION

Le cannabis sativa désigné par Lamarck ne correspond pas au cannabis sativa dont on parle aujourd’hui.

Pour mettre à l’épreuve le système de classification Indica/Sativa/Ruderalis, Karl Hillig (2004) test 162 échantillons provenant de 82 zones géographiques bien distinctes. Puisqu’il a relevé l’importance des terpènes dans l’effet d’entourage et dans le possible effet spécifique de tel ou tel cultivar, Il essaie de voir s’il est possible de distinguer Indica et Sativa au niveau de leur composition en terpènes. En utilisant le système de classification classique il se rend compte que seulement 56% des résultats sont cohérents avec la désignation Indica ou Sativa. Cependant, en appliquant une nouvelle classification il arrive à obtenir 91% de cohérence avec son interprétation personnelle du cannabis Indica et Sativa.

Karl Hillig de l’Indiana University (2005) prend du recul sur ce que l’on appelle communément le cannabis Sativa. Pour lui, le cannabis sativa contemporain serait en fait un cannabis Indica et il existerait quatres différentes sous espèces d’Indica définies selon leur région de développement/découverte (Afghanica, Indica, chinensis, kafiristanica). Pour Hillig, sa désignation du cannabis sativa ferait uniquement référence au cannabis presque dépourvu de cannabinoïdes cultivés pour les graines et les fibres.

Pour Karl Hillig, l’étroitesse des feuilles du cannabis peut nous apprendre ses origines :

  • Les NLD (Narrow Leaf Drug) pour le cannabis indica sous espèce Indica : Feuille étroite type “drogue” (psychoactive)
  • Les BLD (Broad Leaf Drug) pour le cannabis Indica sous espèce afghanica : Feuille large type “drogue” (psychoactive)
  • Les BLH (Broad Leaf Hemp) pour le cannabis Indica sous espèce chinensis: Feuille large type “chanvre” (psychoactive)
  • Les NLH (Narrow Leaf Hemp) pour le cannabis sativa: Feuille étroite type “chanvre” (faible potentiel psychoactif)

On peut donc classer le cannabis “landrace” en fonction des terpènes et en fonction des feuilles, mais est-ce que l’on peut le classer en fonction de l’effet ?

IV] les effets imputés AUX CLASSES INDICA & SATIVA

Populairement on utilise l’argument « Indica » pour parler d’un effet sédatif et « Sativa » pour parler d’un effet énergisant. Cependant à notre connaissance ces arguments n’ont jamais été éprouvés à travers des études scientifiques.

Karl Hillig (2004) a montré qu’il n’y a pas de cohérence entre le système classique de dénomination Indica/Sativa et le profil de terpène du cannabis. Cependant il est intéressant de voir qu’en appliquant la classification de Karl Hillig, on obtient une cohérence plus importante entre profil de terpène et classification Indica/Sativa. On pourrait donc potentiellement essayer de faire le lien entre sous-espèces et effets en se basant essentiellement sur les terpènes. Le principal problème de cette tentative réside dans le fait que Karl Hillig se soit basé sur des cultivars géographiquement définis (landraces).

En effet, plus le temps passe et plus cela risque d’être compliqué de trouver des landraces. Comme le soulève McPartland en 2018, l’hybridation intensive a gommé les frontières entre Sativa et Indica. En effet, à l’époque où l’hybridation n’était pas si importante et où Indica et Sativa ne faisait référence qu’à des Landraces, il eut été intéressant d’éprouver leur différenciation chimique et donc tester l’argument de “l’effet Indica vs effet Sativa”. Ou devrait-on dire, en se référant à Hillig (2004), des effets Indica puisque le cannabis Sativa n’est pour lui que très peu psychoactif.

En 2015, Elzinga, Fischedick, Podkolinski & Raber ont analysé la composition chimique en cannabinoïdes et terpènes de 494 échantillons provenant de 35 cultivars et la différence chimique entre Indica et Sativa n’a pas été représentative. On ne pouvait pas véritablement différencier chimiquement les cultivars vendus comme Indica ou Sativa.

Il apparait clair que de nombreux scientifiques pensent que les appellations Indica ou Sativa ne permettent pas de déterminer précisément la composition chimique et donc l’effet du produit vendu.

« Il est impossible pour des termes tels qu’indica ou sativa de nous donner une vraie idée de la composition chimique d’une plante en particulier ni de ce fait, des effets qu’elle produirait. »
Dr Ethan Russo, Directeur de la recherche et du développement à l’International Cannabis and Cannabinoids Institute (ICCI)

Cela pose un réel problème pour le marché du cannabis « bien-être » et même « thérapeutique » où il est important de garantir aux consommateurs une cohérence soutenue par des arguments scientifiques (reproductibilité des expériences).

V] il nous faut un système d'informations cohérent

En dehors du cannabis récréatif où la plupart des consommateurs ne seront pas trop regardant vis-à-vis du type d’effet. La cohérence est importante pour ceux qui recherche le bien-être voir surtout le versant thérapeutique du cannabis. Par cohérence il faut comprendre une quantité d’informations permettant d’assurer au consommateur que tel produit est le plus à même à procurer tel effet. C’est seulement en utilisant des informations éprouvées par la science que l’on devrait ensuite diriger le consommateur. En prenant en compte l’avancée de la compréhension du système endocannabinoïde et de l’importance de “l’effet d’entourage”, il apparait pertinent d’obtenir un système d’information disposant d’un maximum d’éléments de la composition chimique d’une sommité de cannabis.

Beaucoup pensent aujourd’hui que le CHEMOVAR est une réponse à ce manque de cohérence. Chemovar est l’abréviation de variété chimique, ce système de classification permet de donner plus d’information que le CHEMOTYPE (type chimique). L’étude de 2015 d’Elzinga, Fischedick, Podkolinski & Raber parlent de chemotype mais intègre pourtant les terpènes à leur analyse.

Avec le chemotype il est possible de déterminer le cannabinoïde majeur de la variété cultivée, voici les trois plus connus :
– Type 1 : Niveau élevé de THC
– Type 2 : Équilibre entre le THC et le CBD
– Type 3 : Niveau élevé en CBD

Avec le CHEMOVAR il est possible d’obtenir les informations suivantes concernant la variété cultivée :
– Au moins deux cannabinoïdes majeurs
– Au moins deux terpènes majeurs.

Bien évidemment, une fois que ces informations seront disponibles, elles ne seront pas pour autant valable comme vérité, mais seront avérées dans les limites de l’expérimentation.

Par exemple : plusieurs études ont démontré que des améliorations sont observables concernant “xproblématique” chez “Xpopulation” ayant consommé de “Xfaçon” à “Xreprise” à “Xheure de la journée” une “quantitéx” de sommité composée chimiquement en majorité de “CannabinoidX” et “CannabinoidZ” ainsi que de “TerpèneX” et “TerpèneZ”.

Pour ensuite utiliser légitimement cet argument il faudra s’assurer que la sommité vendue soit représentative chimiquement parlant. Pour s’en assurer il faut que que la sommité provienne de plants ayant un chemovar stable et/ou effectuer une analyse cannabinoïde et terpénoïdes lors de chaque vente… A titre d’exemple dans l’étude de 2015, Elzinga, Fischedick, Podkolinski & Raber, les chercheurs ont mis en lumière des écarts importants de résultats au sein d’un même cultivar. Il pouvait y avoir jusqu’à 5 fois moins/plus de cannabinoïdes en ayant utilisé le même cultivar.

V] conclusion

Utiliser les termes Indica et Sativa est alambiqué, n’assure pas grand chose et expose la position marketing du vendeur.

Pourquoi ne pas juste dire “celle-ci est énergisante”, “celle-ci est sédative” ?
        – Parce que ce sont des allégations thérapeutiques et parce qu’il faut pouvoir le prouver.

Pour pouvoir le prouver il faut avoir des informations comme celles que peut donner le CHEMOVAR. Cela ne sera peut-être même pas toujours suffisant, mais ce sera une façon transparente et cohérente de faire avancer le monde du cannabis.

Sources

1 – Hillig. (2004). A chemotaxonomic analysis of terpenoid variation in Cannabis. Biochemical Systematics and Ecology. 32. 875-891. 10.1016/j.bse.2004.04.004. 

2 – Hillig. (2005). Genetic Evidence for Speciation in Cannabis (Cannabaceae). Genetic Resources and Crop Evolution. 52. 161-180. 10.1007/s10722-003-4452-y.

3– McPartland. (2018) Cannabis Systematics at the Levels of Family, Genus, and Species. Cannabis Cannabinoid Res. 1;3(1):203-212. doi: 10.1089/can.2018.0039. PMID: 30426073; PMCID: PMC6225593.

4 – Elzinga, Sytze & Fischedick, Justin & Podkolinski, Richard & Raber, Jeffrey. (2015). Cannabinoids and Terpenes as Chemotaxonomic Markers in Cannabis. Natural Products Chemistry & Research. 3. 10.4172/2329-6836.1000181.

5 – Piomelli & Russo. (2016). The Cannabis sativa Versus Cannabis indica Debate: An Interview with Ethan Russo, MD. Cannabis and Cannabinoid Research. 1. 44-46. 10.1089/can.2015.29003.ebr.

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