QUELLES DIFFERENCES ENTRE L’ISOLAT, LE DISTILLAT OU ENCORE L’EXTRAIT BRUT ?
Cet article a été rédigé suite à la lecture et l’agrégation d’articles scientifiques, les informations qui s’y trouvent ne sont pas figées dans le temps et ne doivent pas être votre seule source d’information.
On lit souvent que pour bien choisir son huile sublinguale, il faut prêter attention aux appellations : broad-spectrum, full-spectrum, isolat. De notre point de vue, ce ne sont pas de bons indicateurs parce qu’il n’existe pas de normes ni de consensus sur la définition de ces termes (sauf pour l’isolat). À titre d’exemple, il n’y a pas si longtemps en France, on pouvait trouver des huiles sublinguales « Full-spectrum » garanties sans thc…
Nous préférons nous baser sur le type de matière première utilisée (isolat, distillat, extrait brut) comme indicateur d’efficience.
I] Pourquoi ces différentes matières premières ?
Ces trois matières premières représentent différents degrés de purification conduisant à l’appauvrissement de la biomasse* de cannabis. Plus on purifie, plus on isole les substances actives et plus on s’éloigne de la nature.
*biomasse : la matière végétale à partir de laquelle on extrait les substances.

L’isolation d’une substance active est le plus souvent utilisé par l’industrie pharmaceutique afin de maîtriser les répercussions de celle-ci lors de la confection de produits finaux. Une fois la substance éprouvée et approuvée par différentes autorités scientifiques, son utilisation peut se faire massivement sans crainte. L’isolation permet également de manipuler plus facilement la substance active lors de la conception de produits : elle devient inodore, incolore, sous forme de poudre ou de cristaux, ce qui la rend simple d’utilisation. En dehors du champ pharmaceutique, l’isolat permet l’ajout facile de phytocannabinoïdes dans presque tous les produits de consommation humaine comme animale. C’est une solution peu coûteuse pour rendre un produit attractif. Soit il est clairement dit que le produit est à base d’isolat, soit il sera mélangé afin d’augmenter le taux de substance active ciblé : CBN, CBD, CBDA, CBG, CBGA, CBC… Un produit à base de substance active pure (isolat) fait souvent rêver le marché lorsqu’il est récent. En effet, par enthousiasme, on associe souvent « force et puissance » à la pureté alors qu’il serait plus juste de parler « d’appauvrissement et de sécurité ». Dans le monde du cannabis, la pureté n’est pas toujours gage d’efficacité optimale (Pamplona et al., 2018).

Le distillat se trouve entre l’isolat et l’extrait brut. Celui-ci peut être un bon compromis pour réaliser des produits qualitatifs. Il sera un peu plus compliqué à travailler que l’isolat, mais restera plus facile à utiliser que l’extrait brut. Les distillats peuvent être de grande qualité et être composés d’une grande quantité de terpènes et cannabinoïdes mineurs, cependant, tous ne le sont pas. De couleur jaune ou orangé, le goût du distillat peut être riche s’il est de qualité. En tous les cas, il sera facile de lui ajouter des arômes/terpènes pour flatter les papilles les moins aventureuses. Afin de pouvoir plaire à tous, beaucoup préfèrent assurer un aspect et un goût « conventionnel/acceptable », il serait dommage de perdre un client parce qu’il n’a pas pu trouver un produit avec son parfum favori.
Cependant plus on s’éloigne de la nature, plus on s’éloigne de la potentielle synergie, appelée également « effet d’entourage ». Dès 1998 (Ben-Shabat et al., 1998), des scientifiques ont mis en exergue le fait que le système endocannabinoïde est sensible à « l’effet d’entourage ». Ils ont également postulé que leur découverte permet d’expliquer pourquoi les matières premières brutes/non raffinées peuvent être plus efficaces que les substances actives isolées (Mechoulam et Ben-Shabat, 1999). Depuis, la littérature scientifique s’est élargie à ce sujet : des études ont observé par exemple la contribution des cannabinoïdes mineurs et des terpènes à l’effet d’entourage du cannabis (McPartland and Pruitt, 1999; McPartland and Mediavilla, 2001; McPartland and Russo, 2001, 2014; Russo and McPartland, 2003; Wilkinson et al., 2003; Russo, 2011).
Dans une méta-analyse, des scientifiques ont même observé que dans certains cas, un produit composé de CBD pur, s’avère moins efficace qu’un produit composé d’une extraction riche en différents cannabinoïdes (Pamplona et al., 2018). Il a même été observé, qu’en plus d’être plus efficace que le CBD pur, le corps se suffit de quantités plus faibles de produit à base d’extrait de cannabis riches en cannabinoïdes. Dans l’étude de Pamplona et al., 2018 les patients consommant le produit à base de CBD pur prenaient une quantité de CBD 4 fois plus importante (27.1 mg/kg/jour) que ceux prenant du CBD à base d’extrait riche de type distillat/extrait brut (6.1 mg/kg/jour) sans pour autant avoir de meilleurs résultats.

L’extrait brut, comme son nom l’indique, est la matière première la moins raffinée. Cette matière est l’une de celles qui conservent le plus d’éléments originels de la biomasse : terpènes, flavonoïdes, phytocannabinoïdes… De par sa composition bien plus complète, l’extrait brut devrait hypothétiquement provoquer un effet d’entourage plus important que le distillat (l’isolat ne peut pas y prétendre). Il est caractérisé par une couleur très sombre et un goût très puissant. Cependant son efficience a un prix, il est difficile à manipuler pour la conception de produits et il est difficile de le rendre « conventionnel/acceptable » pour le client.
Ii] mÉthodes de fabrication
Comme dit précédemment, ces trois matières premières représentent trois étapes de purification/d’appauvrissement de la biomasse allant de la forme la plus naturelle avec l’extrait brut, à la plus appauvrie avec l’isolat. Ces trois matières premières sont issues d’extraction par solvants, il est très rare de trouver des huiles sublinguales enrichies en phytocannabinoïdes à base d’extraits obtenus sans solvants comme le kief ou la rosin.
L’extrait brut est la forme la plus proche de la nature, il est issu de la première manipulation de la biomasse : l’extraction. Il peut être décarboxylé ou non afin de convertir les formes acides des phytocannabinoïdes en formes dites « actives ». Il peut également passer par une étape de chromatographie préparative afin d’y soustraire le thc pour qu’il soit à l’épreuve des réglementations les plus strictes.
Le distillat est généralement issu d’un processus en six étapes principales: l’extraction, la winterization, la filtration, l’évaporation, la décarboxylation puis la distillation. Il peut également passer par une étape de chromatographie préparative afin d’y soustraire le thc pour qu’il soit à l’épreuve des réglementations les plus strictes.
L’isolat est la forme la plus pure d’une substance active. Il est généralement issu d’un processus en sept étapes principales: l’extraction, la winterization, la filtration, l’évaporation, la décarboxylation, la distillation puis la crystalisation.
#1 : L'extraction
Ici s’opère la séparation des substances actives à partir de la biomasse. Afin de réaliser cette opération, la biomasse va être au contact d’un solvant :
– Il peut s’agir d’un solvant hydrocarboné : le butane, le propane, le pentane, l’eptane ou encore l’hexane…
– Il peut également s’agir d’autres types de solvants : Ethanol, Isopropanol, acetone, CO2…
-> Matière obtenue : Extraction brute
#2 : La winterization
Cette étape consiste à préparer l’extrait brut à la séparation des matières grasses, lipides, cires et de la chlorophylle. Afin de réaliser cette opération, l’extrait brut va généralement être dissout dans le l’éthanol et conservé à température fortement négative.
-> Matière obtenue : Miscella*
*Solution d’huile dans un solvant obtenue au cours de l’extraction.
#3 La Filtration
Ici s’opère la séparation des matières grasses, lipides, cires et la chlorophylle. Cette opération se réalise généralement avec une pompe à vide et peut être effectuée autant de fois que nécessaire afin de garantir une pureté, un appauvrissement maximal.
-> Matière obtenue : Miscella filtré
#4 L'évaporation
Cette étape consiste à séparer l’éthanol du miscella afin de pouvoir continuer son raffinement. Cette étape se réalise en chauffant le miscella à la température d’ébulition de l’éthanol. Un four sous vide peut par exemple être utilisé.
-> Matière obtenue : Extraction post miscella
#4 La décarboxylation
Lors de cette étape on enlève le CO2 contenu dans l’extraction post miscella et on convertit les formes acides des phytocannabinoïdes en formes actives. Pour ce faire, on chauffe le miscella a une certaine température pendant un certain laps de temps.
-> Matière obtenue : Extraction prête à être distillée
#6 La distillation
Lors de cette étape, on va purifier l’extraction décarboxylée en la chauffant à différentes températures sous vide. Selon la température, le type de molécules ciblé sera transformé en vapeur. Celle-ci passera par une étape de refroidissement pour retrouver une forme liquide.
-> Matière obtenue : Distillat
#7 La crystalisation
Le processus de crystalisation est très complexe et peut se faire de différentes manières. Une seule molécule va être isolée à partir du distillat et transformée en poudre/cristaux en fonction de la méthode choisie. En fonction de la méthode on peut obtenir un produit pur entre 95% et 99%.
-> Matière obtenue : Isolat
III] Conclusion
Pour choisir efficacement son huile sublinguale il est intéressant de se baser sur le type de matières premières utilisées puisque celles-ci sont de bons indicateurs d’efficience. La littérature scientifique nous montre que dans certains cas, même en prenant 4 fois plus de gouttes d’un produit à base de CBD pur, vous n’aurez pas autant de bienfaits qu’un produit à base d’extrait brut/riche.
En termes d’efficience l’extrait brut est ce qui se fait de mieux. Le distillat est un bon compromis s’il est de qualité supérieure, il permet en plus de rendre la consommation plus conventionnelle. L’isolat devrait être un choix murement réfléchit puisqu’il est potentiellement le moins efficace. Il conviendra à celles et ceux qui veulent ou doivent impérativement maitriser les conséquences/répercussions de leur consommation. A titre d’exemple un sportif de haut niveau qui doit se conformer aux exigences de l’agence mondiale antidopage n’a le droit de consommer que le CBD parmi tous les cannabinoïdes.[2]
Sources
1 – Russo E. B. (2019). The Case for the Entourage Effect and Conventional Breeding of Clinical Cannabis: No “Strain,” No Gain. Frontiers in plant science, 9, 1969. https://doi.org/10.3389/fpls.2018.01969
2 – https://www.wada-ama.org